Toc, toc, toc !
Carole se redressa subitement dans son lit. Avait-elle bien entendu ?
Toc, toc, toc !
Elle jeta un coup d’œil à Praline qui ronronnait paisiblement sur le tapis.
Toc, toc, toc !
Un regard au réveil : 7 heures du matin ! Qui cela pouvait-il bien être ? Inquiète, elle s’empressa d’aller ouvrir. Sur le pas de la porte, Isabelle, un sachet rempli de viennoiserie dans une main, deux gigantesques gobelets de café dans l’autre.
— Tu fais la grasse mat’ ? demanda cette dernière tout en entrant sans y avoir été invitée.
Carole ferma derrière elle et la suivit, la main sur le cœur :
— Tu m’as fait une de ces peurs, j’ai cru qu’il était arrivé malheur !
— Le seul malheur qui pourrait arriver aujourd’hui, c’est que la nouvelle minette de ton ex-mari se foule une cheville en remontant l’allée.
Isabelle était dans une forme olympique. Carole l’observa aller et venir dans la cuisine comme si elle habitait ici.
— Tu as du jus de fruits ? demanda-t-elle en plongeant dans le frigo.
— Non, mais j’ai des oranges, si tu veux.
Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour qu’elles finissent par prendre place sur la terrasse. L’air était déjà très doux, la journée promettait d’être belle.
— Alors, comment tu te sens, la célibataire ?
Isabelle, les gros sabots, tout ça. Carole haussa les épaules d’un air qu’elle espérait détaché :
— Libre comme l’air !
— Dire qu’on était à ça de réussir ! Élodie ne t’a pas fait toute une scène quand tu lui as dit que tu ne viendrais pas accompagnée ?
Carole avala une gorgée de café. Elle avait volontairement attendu la veille pour annoncer à sa fille qu’elle serait seule au mariage. Étonnamment, celle-ci ne s’en était pas tant formalisée, ce qui avait rassuré Carole. Il était bien plus simple d’afficher un moral d’acier si personne ne lui posait de questions sur les raisons de la fin de son histoire avec Serge. Elle-même n’était de toute façon pas certaine de savoir quoi y répondre.
— Pas le moins du monde, fit-elle finalement. J’ai un peu enjolivé les choses, je te l’avoue. Je lui ai dit que j’étais retournée sur DisonsDemain, que j’avais échangé avec plein d’autres hommes mais que je préférais prendre mon temps.
— Ce qui est, bien entendu, totalement faux.
— Quelle partie ?
La question faussement innocente de Carole eut le mérite de faire pouffer Isabelle. La seule vérité, c’était qu’elle était en effet retournée sur DisonsDemain et qu’elle avait constaté que de nombreux profils pouvaient correspondre à ses attentes. Mais en réalité, elle n’en avait contacté aucun. Carole n’avait eu d’autre choix que de faire face à la vérité : il n’y avait que Serge dans sa tête. Son expression avait dû changer, parce que le ton d’Isabelle se fit tout à coup plus doux :
— Tu le vis comment, ma Carole ?
— Le mieux du monde. Après tout, comme tu n’as de cesse de me le répéter : mieux vaut être seule que mal accompagnée !
Isabelle approuva. Savait-elle combien sa venue ce matin donna à Carole la force nécessaire de se préparer, quelques heures plus tard ? Son amie l’espérait.
Quand elle arriva à la mairie, Carole se fit discrète. La moitié des personnes présentes l’étaient déjà à son propre mariage et cette idée la fit sourire. On la saluait avec enthousiasme, on la regardait parfois avec une pointe de surprise dans le regard, mais personne, bien entendu, ne s’avisa de faire la moindre remarque. ll était de notoriété publique que Patrick et elle s’entendaient encore très bien. Carole savait qu’elle avait sa place parmi les invités, mais elle n’avait aucune envie de se faire remarquer. C’est pourquoi, à la mairie, elle trouva une place tout au fond, laissant à ses enfants le privilège de s’asseoir au premier rang. Sur son banc, elle avait une vue panoramique de toute la pièce.
Comme tout le monde, elle tendit le cou quand le couple fit son apparition. Comme tout le monde, elle souriait. Comme tout le monde, elle rit poliment aux tentatives d’humour de Monsieur le Maire. Sans y prêter attention, elle se décala quand elle sentit que quelqu’un s’installait à côté d’elle. Il fallut que la personne se penche ostensiblement contre son épaule pour que Carole réalise.
— Bonjour, Carole.
Un murmure dans son oreille. Elle sursauta.
— Serge ?
Son exclamation se fondit dans l’éclat de rire général suscité par une phrase sans doute bien sentie de Patrick. Carole eut tout à coup très chaud. Que se passait-il ? Pourquoi Serge était-il là ? Était-il humainement possible que son cœur bondisse hors de sa poitrine, tant il battait fort ?
— Une promesse est une promesse et je n’ai qu’une parole, répliqua-t-il avec un sourire.
Elle ne sut quoi répondre, estomaquée.
— Je peux tout t’expliquer. Si tu le veux bien.
Carole hocha doucement la tête, les yeux rivés sur les dos des mariés. Plus perdue que jamais, elle devait le reconnaître : la seule présence de Serge lui faisait un bien fou. Tellement, d’ailleurs, qu’elle ne suivit absolument pas le reste de la cérémonie et qu’elle réalisa qu’elle avait emboité le pas à la foule sur la place de la mairie quand des pétales de roses se mirent à pleuvoir tout autour. Les mariés étaient mariés, les invités les applaudissaient, et Serge la prit à part.
— Avant tout, je tiens à te présenter mes excuses. Vraiment.
Il avait de l’allure, dans son beau costume bleu à rayures tennis.
— Le comportement que j’ai eu à la brocante. Tu n’y es pour rien, seulement…
— Je sais. Je sais pour les cartes postales, je sais pour la promesse, je sais pour Gabrielle.
Elle le vit déglutir.
— C’est Lucie qui te l’a dit ?
— Oui. Parce qu’elle s’est dit que j’aurais aimé le savoir. Tout comme j’aurais aimé le savoir, pour l’autre femme.
Serge haussa les sourcils, surpris.
— L’autre femme ?
Carole inspira profondément, s’il essayait de lui mentir, elle le planterait là, purement et simplement.
— Tu te souviens, de ce concert dont je t’ai parlé ? J’y suis allée avec Isabelle et on vous a vu. Toi et une inconnue. Vous sortiez d’un hôtel.
Elle soupira avant de reprendre :
— Tu sais, j’aurais pu tout entendre, tout comprendre. Mais à nos âges, franchement, ne penses-tu pas que l’honnêteté prime sur tout le reste ? Il aurait suffi de…
— C’est sa sœur, l’interrompit-il. La femme dont tu parles, celle avec qui j’étais ce jour-là. C’était Louise, la sœur de Gabrielle.
Il poursuivit, expliquant que Louise venait le voir, de temps en temps. Qu’elle s’inquiétait pour lui, depuis le décès de sa sœur. Mais déjà, Carole n’écoutait plus. Si Isabelle la voyait en cet instant, elle rirait de son expression ahurie.
— Je suis désolé pour le quiproquo. J’aurais dû te dire la vérité, mais je n’étais pas sûr. Tout ce qui concerne Gabrielle… c’est encore très difficile, tu comprends ?
Elle hocha la tête. Bien évidemment, qu’elle comprenait. Les mots se bousculèrent sur les lèvres de Carole, qui fut surprise par sa propre honnêteté :
— J’ai cru que tu pensais que je n’étais pas celle avec laquelle tu avais envie de faire un bout de chemin.
Il voulut répondre, hésita, passa la main sur sa nuque et finalement, prit ses mains dans les siennes :
— Je crois que… Je le voulais, mais je n’osais pas vouloir plus, penser à plus, avec toi. Avec nous. Mais je dois me rendre à l’évidence, Carole : je n’arrête pas de penser à toi. Ces derniers jours sans te voir, sans t’écrire, ont été terriblement longs. Une éternité.
Ils ne se quittaient pas des yeux. Il n’eut pas besoin qu’elle le dise pour comprendre qu’elle avait ressenti exactement la même chose.
— Mais comment as-tu su, pour ici ?
— Je me suis souvenu du nom du magasin dans lequel travaille ta fille, je l’ai dit à Lucie et elles ont fini par entrer en contact sur je ne sais quel réseau social.
Élodie ! Elle était derrière tout ça ? Ceci expliquait pourquoi elle n’avait pas tant réagi quand Carole lui avait annoncé venir seule au mariage !
— La petite cachottière ! lança-t-elle, effarée et touchée.
À nouveau, leurs regards se croisèrent. Le temps se suspendit. Lentement, Serge approcha son visage. Leurs lèvres s’effleurèrent et, tendrement, ils s’embrassèrent. Un baiser comme une promesse, un baiser comme une évidence. Un joli voyage les attendait, et ils étaient enfin prêts à le vivre, sans se poser de questions.
Serge recula doucement et lui caressa la joue. Le bonheur faisait briller ses yeux. Carole, elle, resplendissait :
— On devrait se revoir, lança-t-elle finalement, apaisée.
— Disons demain ? répliqua Serge
— Disons ce soir, trancha Carole.
Bien solo. Mieux à deux.
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