Épisode 8 – Les grosses questions

— Gabrielle, c’est un joli prénom, non ? Je suis certaine qu’elle était superbe. Lucie ne m’en a pas beaucoup dit sur elle, ni sur sa relation avec Serge, mais ça devait être quelque chose d’intense. Je crois que tout le monde l’aimait beaucoup. Oh, je n’ose imaginer la douleur… Est-ce qu’on s’en remet réellement un jour ? Est-ce qu’il s’en remettra jamais ? Si tu avais vu comme son visage s’est fermé, juste à cause d’une carte postale… Il est encore en souffrance, c’est sûr. Je ne l’en blâme pas, mais est-ce que Serge est prêt pour une nouvelle relation ? Sans doute pas. Après tout, c’est sans doute pour ça qu’il a accepté que nos échanges se poursuivent. Un prêté pour un rendu. Rien de sentimental là-dedans ! Bon, je reconnais que tout ça m’arrangeait bien, au début… Mais il semblerait que je me sois prise à mon propre piège. La belle affaire. Tu y crois, toi ?

Carole jeta un coup d’œil curieux à Praline qui s’attelait à faire sa toilette en ronronnant. Sa chatte n’était pas la plus loquace, mais elle était la seule qui lui permettait de s’enfoncer dans des monologues sans queue ni tête et surtout, sans jugement. Elle lui caressa distraitement le museau et reprit, comme si son interlocutrice poilue l’y avait encouragée :

— Je me suis voilé la face, n’est-ce pas ? Des semaines et des semaines que j’essaie de me persuader que Serge est au mieux un excellent ami, à tout le moins une rencontre pas si désagréable. C’est tout moi, ça. Et maintenant que je m’en rends compte, voilà que lui, de son côté, estime que je ne suis sans doute pas LA bonne personne avec qui refaire sa vie. Non pas que je me compare à Gabrielle, loin de là. Simplement, peut-être qu’il trouve que nous allons trop vite ? Trop loin ? Sa famille, sa nièce… Il m’a ouvert les portes de son intimité et maintenant il a juste envie de m’en éjecter à grand renfort de coups de pied dans le…

Carole fut interrompue par la sonnerie de son téléphone, elle venait de recevoir un SMS. De Serge. Elle attrapa précipitamment l’appareil et s’empressa de lire ; elle n’avait reçu aucune nouvelle de lui depuis l’épisode de la brocante. Cela faisait moins de deux jours mais ce soudain silence ne la rassurait guère sur les pensées de Serge. Ce signe de vie lui réchauffa le cœur instantanément.

— Écoute un peu ça, Praline ! « Il semblerait que je n’ai pas été de la meilleure compagnie, l’autre jour (c’est du moins ce que j’en conclus de tous les messages que m’a envoyé Lucie). À charge de revanche. Serge. »

La chaleur se dissipa aussi vite qu’elle était apparue. Ce message n’inspirait absolument pas Carole qui ne parvint pas à lire entre les lignes. Aucune excuse clairement formulée, aucune explication donnée…

— Que fait-on ?

Elle posa la question à son amie moustachue et se surprit à espérer qu’elle lui réponde. Abattue, Carole se laissa tomber sur son lit dans un soupir, le téléphone dans la main. Praline, toujours prompte à détecter quand sa maîtresse avait besoin d’un peu de réconfort, entreprit de grimper sur ses cuisses pour s’y pelotonner.

— « À charge de revanche », c’est positif, non ? Au moins, il sous-entend que nous allons nous revoir.

Praline miaula et se laissa glisser sur le côté, estimant sans aucun doute que des gratouilles sur son ventre étaient le seul moyen d’aller mieux.

— Mais qu’est-ce qui me prend ? Pourquoi je me pose toutes ces questions ? À mon âge, je n’ai plus de temps à perdre en conjectures et surtout pas pour un homme ! Bon sang, si Isa me voyait…

Carole inspira profondément, embrassa Praline entre les deux oreilles et, déterminée, annonça :

— Aux grands maux, les grands remèdes.

Elle répondit à Serge un message qu’elle espérait enthousiaste. Son objectif ? Avancer, d’une façon ou d’une autre. Carole était l’une de ces personnes qui détestaient ressasser. Le passé, c’était le passé. Revenir dessus n’apportait jamais rien de bon ou de positif. Elle relut plusieurs fois son message : « Revanche samedi ? La ville organise un concert sur la place de la mairie. Des reprises rock des tubes de nos années jeunesse ! » puis, convaincue, décida de l’envoyer. La perspective de revoir Serge le week-end prochain l’enchantait et la soulageait. Tout ça n’était pas si grave. Ils étaient des adultes et les humeurs de chacun ne devaient pas servir de prétexte pour ternir ce qu’ils étaient en train de construire. Quoi que ce fut. C’est en tout cas ce que Carole se répéta toute la journée. Mais à mesure que les heures défilaient, ses certitudes s’envolaient. Serge ne lui répondait pas. Lui toujours si prompt à réagir gardait le silence. Le soir venu, elle hésita : fallait-il qu’elle le relance ? Qu’elle joue la carte de l’ignorance ? Qu’elle lui demande clairement ce qu’il avait sur le cœur ? Pour Carole, tout reposait sur cette nouvelle sortie. C’était selon elle l’occasion idéale de parler, pour de bon. Pour revenir sur l’épisode de la brocante, sur sa maladresse. Pour qu’elle puisse lui présenter ses excuses, pour qu’il puisse lui exprimer son ressenti. Alors, oui, se dit-elle. Elle devait insister. Elle entreprit donc de lui écrire à nouveau, mais elle reçut un message au même moment. Serge s’était enfin décidé à lui répondre. Une réponse qui finit de la refroidir : « Désolé, je ne suis pas en ville samedi. Une prochaine fois, peut-être ! »

Était-ce normal qu’elle se sente si vexée ? Elle décida cependant de faire bonne figure, de montrer patte blanche et répondit simplement : « Aucun problème, j’embarque Isabelle dans ce cas ! Je te raconterai ! »

Cette nuit-là, Carole trouva difficilement le sommeil. Et si Lucie s’était trompée ? Si son histoire avec Serge était vouée à l’échec ?

 

Ses doutes lui tinrent compagnie toute la semaine. Serge et elle continuèrent d’échanger, par messages uniquement. Laconiques. Carole le sentait distant, lointain. Elle-même n’osait plus poser de questions et se contentait de parler de tout et de rien. Elle était blessée et s’en voulait de s’être laissée prendre au jeu. Le célibat lui convenait bien mieux que toutes ces interrogations.

— T’es sûre ? Parce que c’est chouette, aussi, de ressentir tout ça, avait pointé Élodie autour d’un café. Ce n’est pas Praline qui saurait te donner toutes ces émotions. Je sais que ce n’est pas toujours évident, mais tu ne te sens pas… vivante ?

Parfois, sa fille visait terriblement juste. Mais Carole n’était pas d’humeur à en discuter. Heureusement, Isabelle toqua à la porte au même moment : il était l’heure pour elles d’aller au fameux concert. Et l’avantage des amies de longue date, c’est qu’elles n’ont pas besoin de longs discours pour comprendre que tout ce qu’il vous faut, c’est simplement du bon vin et des potins.

Isabelle passa donc l’après-midi à divertir Carole et à chasser de ses pensées tout ce qui pouvait toucher, de près ou de loin, à Serge. Depuis la terrasse du café à laquelle elles s’étaient installées pour assister au concert, jusqu’à la proposition d’Isabelle quand celui-ci toucha à sa fin :

— Ma Carole, que dirais-tu d’aller faire des emplettes ?

Les yeux de son amie brillaient de malice. Carole la connaissait par cœur :

— Ne me dis pas que tu as un nouveau rendez-vous ?

Isabelle éclata d’un grand rire :

— Si ! Pas plus tard que ce soir, avec Henri, un merveilleux Toulousain venu se perdre par ici. Et je n’ai absolument rien à me mettre !

Sans attendre, elle attrapa Carole par le bras. Mais alors qu’elles bifurquaient sur l’avenue piétonne, cette dernière se figea.

— Qu’est-ce que tu as ? Tu fais un AVC ? s’enquit Isabelle, résolument dramatique.

C’était tout comme. Ou peut-être davantage comme une grosse gifle. Sur le trottoir d’en face, Serge sortait d’un hôtel avec, à son bras, une magnifique femme brune que Carole n’avait jamais vue. Isabelle, fine observatrice, suivit le regard de son amie. Immédiatement, elle comprit :

— Oh, c’est…

Carole hocha la tête.

— Mais il ne t’avait pas dit qu’il n’était pas…

Isabelle ne termina pas sa phrase. Elle sortit son téléphone, annula son rendez-vous avec Henri, fit faire volte-face à Carole et la conduisit droit vers leur restaurant préféré. Elles y prirent un verre en terrasse, puis un autre, et commandèrent finalement à dîner.

— Quelle raclure de bidet ! vociférait Isabelle, solidaire. À son âge, ne pas être capable de te dire qu’il voit quelqu’un d’autre… On n’est plus au collège !

Carole ne répondit pas. Surprise et blessée, elle ne pouvait s’empêcher de penser que Serge s’était bien moqué d’elle, tout ce temps.

— Après, reprit son amie, c’est vrai que vous n’avez jamais vraiment officialisé, non ?

Aïe. Carole grimaça avant de répondre, remontée :

— Non, c’est vrai. Mais je ne crois pas que le respect soit quelque chose qui mérite d’être exigé à haute et intelligible voix.

Elle finit son verre d’une traite. Isabelle, intraitable, et refusant de voir son amie se mettre dans un tel état pour un homme, lança alors, convaincue :

— Rien ne t’empêche de faire pareil.

Carole fronça les sourcils, elle n’était pas certaine de comprendre. Isabelle reprit :

— Puisqu’il voit d’autres femmes, toi aussi, rencontre d’autres hommes ! Ton profil est toujours actif, non ?

Carole approuva d’un signe de tête, comprenant exactement où elle voulait en venir.

— Bien. C’est tout le principe : rencontrer des gens, jusqu’à rencontrer LA personne faite pour toi. Tu sais ce qu’il te reste à faire.

Elles poursuivirent leur discussion, débattant sur le comportement de Serge, et des hommes en général. Puis finalement, Carole rentra chez elle, encore secouée, mais bien décidée à prendre les choses en main. Était-ce les émotions désordonnées, la déception, l’envie de se venger, ou simplement celle de trouver chaussure à son pied ? Impossible à dire. Mais une fois dans son lit, elle attrapa son téléphone, ouvrit DisonsDemain et, comme elle l’avait fait la toute première fois… parcourut les profils.

Bien solo. Mieux à deux.

Bien solo. Mieux à deux.

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