SYNOPSIS : Quand Isabelle découvre que sa meilleure amie Carole a prévu d’assister seule au remariage de Patrick son ex-mari, elle manque de tomber de sa chaise et décide de changer le cours des choses…
— Il faut te rendre à l’évidence, Carole. À 56 ans, tu as réussi ton divorce. Tes enfants sont grands, ta carrière est faite, tout va bien dans ta vie.
« Réussir son divorce », une expression dans laquelle Carole reconnaissait si bien son amie, qui ne manquait jamais d’originalité :
— Dis-moi, Isabelle, le Cahors te rend plus volubile que jamais, on dirait !
Les deux femmes jetèrent un regard attendri à la bouteille dont il ne restait plus qu’un fond. Fidèles à ce qui était devenu un rituel, Carole et Isabelle se retrouvaient fréquemment chez l’une ou chez l’autre, pour des dîners improvisés dont certaines règles étaient cependant incontournables : l’une préparait un plat de son cru alors que l’autre se faisait un devoir de le marier au vin de son choix. Ce soir-là, Carole avait préparé des aiguillettes de canard au miel et avait pris soin de prévenir sa complice. Ces rendez-vous étaient surtout l’occasion pour les deux femmes de faire et refaire le monde. Encore et toujours. Comme seules des amies de trente ans peuvent le faire. Un bout de chemin qui commençait à devenir si respectable qu’elles omettaient d’en faire le décompte. Non pas qu’il les renvoyât à leurs âges, qu’elles assumaient chacune, mais plutôt parce qu’aussi bien Isabelle que Carole n’avaient pas l’impression que trois décennies avaient pu s’écouler si vite.
Un ange traversa le salon, s’installant brièvement entre les deux femmes, avant qu’Isabelle ne rompe ce petit moment de silence :
— Je l’ai dit, je le maintiens : tu as réussi ton divorce, ma chérie.
— Tu le sais, les choses se sont déroulées le plus naturellement du monde. À un moment donné, Patrick et moi avons compris que nos chemins divergeaient, que nous ne voulions plus les mêmes choses. Tout cela ne s’est pas fait en une semaine, c’est le fruit de plusieurs mois de réflexion. Lorsque j’ai compris que je préférais désormais être seule, Patrick en était arrivé au même constat.
Carole relatait ces faits comme si c’était la première fois qu’elle en parlait à son amie, qui en connaissait pourtant tous les détails. Ce qui ne l’empêchait pas de l’écouter comme si elle ne l’avait jamais entendue auparavant. Si bien qu’elle commenta comme elle l’avait déjà fait :
— Je crois que les seuls qui ont mal pris votre séparation, ce sont vos enfants ! Pas tant Damien qu’Élodie. Mon Dieu, elle a réagi comme une ado en pleine crise existentielle !
Après avoir vidé son verre, Carole acquiesça :
— Elle était jeune maman, ça ne l’a pas aidée. Surtout que Pauline lui en a bien fait baver…
— Les chiens ne font pas des chats ! commenta Isabelle.
— Oh que non ! Mais je crois qu’elle m’en a surtout voulu de lui avoir brisé son rêve de famille parfaite, qu’elle s’attache d’ailleurs à recréer à son niveau.
— On ne le dira jamais assez, mais c’est fou la pression que nos enfants peuvent nous mettre.
— Carrément ! J’en finis par penser que si Élodie avait été plus jeune, les choses auraient sans doute été plus faciles…
— Tu veux vraiment que je te dise ce que j’en pense ?
Le visage de Carole s’éclaircit. Elle savait très bien ce qu’Isabelle s’apprêtait à dire et partageait son avis : Élodie était enquiquinante plus souvent qu’à son tour, mais cela faisait partie de son charme et de sa personnalité. Nul besoin de le préciser une fois encore, si bien que Carole enchaîna :
— Je ne vais pas dire que je la laisse à ses illusions, car je ne lui souhaite que le meilleur. Il y a cependant des choses que même passé trente ans, on ne saisit pas encore. Le temps fera son œuvre, et je crois bien que c’était pareil pour moi.
— Ce qui ne nous empêche pas de continuer à rêver, pas vrai ?
Le visage de Carole se rembrunit quelque peu. Elle prit une profonde inspiration avant de poursuivre :
— J’adore mon appartement. Mes enfants suivent les chemins qu’ils se sont choisis. Il me reste encore une bonne dizaine d’années de carrière, je ne me suis jamais aussi sentie au top, c’est sûr…
— Mais ?
— Mais rien. J’ai des projets de voyage, j’envisage même d’acheter une vieille bergerie dans un coin reculé des Pyrénées-Atlantiques, à deux pas d’une bonne dizaine de sentiers de rando. Il ne me reste qu’à me décider. Franchement, à l’âge d’Élodie, j’imaginais que Patrick et moi prendrions notre retraite à Biarritz, voire dans le Var. Comme quoi, on évolue !
— Tu as bien raison, et puis, il n’y a que des vieux à Biarritz et dans le Var !
— Tu es toujours aussi impayable, Isabelle !
— Toujours à contre-courant, c’est ma devise !
Carole se fit un brin moqueuse :
— Pour ton divorce, tu as été plus conventionnelle que moi…
— C’est sûr que niveau cliché, j’ai fait mieux largement mieux : entre mon ex qui m’a trompée avec une jeunette aux dents longues qui lui a retourné le cerveau et la bataille pour l’appartement familial, j’ai coché à peu près toutes les cases ! Mais tu sais quoi ? Maintenant que tout est derrière moi, je suis mille fois plus sereine et je croque la vie à pleines dents !
— Et ça te va très bien ! Au moins autant que tes roucoulades avec Roberto ! Vous en êtes où, d’ailleurs ?
— À peu près nulle part. Il retourne à Milan, définitivement. Et je n’ai aucune envie de l’y suivre. Pour tout te dire, je pense que lui non plus, donc ça tombe très bien.
Carole leva un sourcil :
— Tu le vis vraiment bien ? Et ça va ?
— Regarde-moi !
— Tu as raison. Tu sais que tu me fais de plus en plus penser à Demi Moore, toi ?
Avant qu’elle ne put poursuivre, son amie l’interrompit :
— Et toi aussi, tu n’es pas mal non plus !
— Merci, même si…
— Si quoi ?
— Je crois que je suis en train de vivre la même chose que toi avec ton ex-mari.
Isabelle se redressa subitement :
— Comment ça ?
Un peu poussée par la réaction légèrement surjouée de Isabelle, Carole ajouta une petite touche théâtrale :
— Patrick va se remarier. Avec sa gamine. OK, je sais ce que tu vas dire, nous avons déjà eu cette discussion ; à quarante-trois ans, on n’est plus tout à fait une gamine.
Malgré les verres de Cahors, ou peut-être grâce à eux, Carole était visiblement bonne actrice, puisqu’Isabelle plongea :
— Et tu as envie de la tuer ? J’ai tout un tas d’endroits où planquer le corps – des nuits à y penser pour la poule de mon ex, je te partage volontiers ma petite carte si tu veux…
— Isabelle, voyons ! Toi et moi savons très bien que tu n’as jamais sérieusement envisagé de passer à l’acte…
— Oh que si ! Mais j’ai trop lu de polars pour savoir que le crime parfait n’existe pas. C’est ça, et rien que ça, qui m’a arrêtée !
— Mais bien sûr ! Bon, à ce stade de la soirée, je ne te contredirai pas, et de toute façon, rien de ce qui se dit ici ne sort de la pièce. Avec moi, ton secret est bien gardé.
Pour faire bonne mesure, Carole mima un tour de clé devant ses lèvres scellées, qui ne manqua pas de provoquer l’hilarité de son amie. Passé un sourire complice, Carole ajouta :
— Et pour tout te dire, je suis même invitée au mariage de Patrick ! Au départ, je me suis un peu demandé ce que j’allais faire là-bas, mais les enfants seront là, et surtout, je suis très heureuse pour lui. J’ai beau traiter Audrey de gamine, je l’aime bien.
— Tu ne cesseras jamais de m’étonner Carole ! Tu vas bientôt me dire que tu l’aides à choisir sa robe de mariée, aussi ?
— Ah ah ah ! Il y a des limites à tout, quand même.
Isabelle se dirigea vers la cuisine et revint avec une seconde bouteille de vin :
— Ça s’arrose ! Tu vas être définitivement débarrassée de Patrick !
— Eh ! Ta mauvaise foi légendaire frappe encore, on dirait ! Que tu aies envie d’un autre verre, soit, que tu subodores que je me débarrasse de mon ex, c’est très largement exagéré !
— Tu sais quoi ? Tu as raison ! J’ai envie d’un autre verre, ne serait-ce que pour trinquer à la santé de mon amie, qui parvient à demeurer aussi zen face au remariage de son ex-mari !
Alors qu’elle remplissait les verres, Isabelle eut une fulgurance :
— Mais j’y pense ! Il est hors de question que tu ailles à ce mariage sans cavalier !
— Pfff, arrête ! Un cavalier ? Je ne vais pas au bal chez Sissi ! En plus, on ne dit plus cavalier, on dit « +1 » maintenant, ma vieille !
— Saleté ! Si ça peut te faire plaisir, on dira « +1 », mais il n’en demeure pas moins qu’il te FAUT quelqu’un ! Rien que pour montrer à Patrick et Audrey que toi aussi, tu as quelqu’un dans ta vie !
— Isabelle ! Je n’en ai rien à faire de jouer à ce petit jeu. Je suis très bien comme ça.
— Taratata ! Moi, je te dis qu’il faut que tu sois accompagnée. Et par un George Clooney plutôt qu’un Danny De Vito, hein !
— Je me demande qui est le plus drôle des deux…
— Mais on s’en fout de ça, Carole ! Tu dois arriver au bras d’un bel homme au sourire éclatant, crois-moi sur parole !
— Qu’est-ce que ça va changer ?
— Pour toi, rien. Pour Patrick, ça lui fera peut-être comprendre qu’il aurait dû se battre un peu plus pour toi…
— Dis, tu ne vas pas refaire le match ? Pas ce soir. Tu sais très bien que je suis passée à autre chose. Et c’est bien pour ça que ça ne me dérange pas d’aller à ce mariage seule.
Un silence, cette fois-ci un peu plus gêné, s’installa entre les deux femmes. Isabelle finit par trancher dans le vif :
— De toute façon, je crois qu’il est temps pour toi de rencontrer quelqu’un. Pas forcément du sérieux, mais un homme avec qui partager des choses, des centres d’intérêt, et pourquoi pas un peu plus…
— C’est là que nous divergeons, Isabelle. Je ne suis sans doute pas comme toi.
— Mais, ma chérie, belle et intelligente comme tu es, tu mérites que les hommes se roulent à tes pieds !
D’une octave plus basse, elle ajouta :
— Et que Patrick voie que toi non plus, tu n’es pas en reste. Promets-moi juste d’y réfléchir.
Sachant qu’Isabelle n’abandonnerait pas tant qu’elle n’aurait pas acquiescé, Carole s’exécuta :
— Je vais y réfléchir, je te le promets. Même si je ne vois pas très bien de quel chapeau magique je pourrais bien sortir un bel homme !
— Pour ça, ne t’en fais pas. J’ai confiance. La vie est remplie de surprises, pour peu que l’on soit prête à les recevoir.
Lorsqu’Isabelle se faisait énigmatique, il y avait toujours quelque chose derrière. Après avoir cédé à son amie, c’était au tour de Carole d’exiger d’en savoir plus :
— Toi, tu as quelque chose à me dire…
Isabelle ne se fit pas prier :
— J’ai un rendez-vous demain. Je me suis inscrite sur un site de rencontre : DisonsDemain ! Et figure-toi qu’il m’a fallu moins de 24 heures, pour avoir mon premier rendez-vous !
Bien solo. Mieux à deux.
Partagez de belles histoires et faites de nouvelles rencontres sur DisonsDemain
Rencontrez des célibataires de 50+