SYNOPSIS : Isabelle a trouvé une idée pour réussir son pari : voir son amie Carole aller au mariage de Patrick, non pas seule, mais bel et bien accompagnée. Et c’est sur DisonsDemain que tout commence…
— DisonsDemain ? répéta Carole sans comprendre. Qu’es-tu encore allée nous dénicher, mon Isa ?
— Un certain Karl, figure-toi ! Il nous vient tout droit d’Allemagne, habite en France depuis une trentaine d’années et dévore aussi bien les livres qu’un bon repas.
— Il est sans aucun doute fait pour toi, confirma Carole avec un sourire.
— Il n’y a plus qu’à voir s’il estime que je suis faite pour lui !
— Je refuse de croire que tu n’as pas une armada de prétendants potentiels qui se bousculent déjà au portillon. Si ce n’est pas lui, ce sera un autre. Regarde-toi ! Tu es radieuse.
Force était de constater qu’Isabelle rayonnait, en effet. Elle portait si bien la cinquantaine que c’en était presque indécent. Sa silhouette était plus juvénile que dix ans auparavant, son visage un peu plus creusé peut-être. Durant son divorce houleux, elle avait pris le parti de se battre, de ne se laisser aller à rien et s’était remise au sport avec une énergie qu’elle n’avait jamais eue, pas même à trente ans. Carole se souvenait parfaitement de leur discussion à ce moment-là et des paroles d’Isabelle qui demeuraient imprimées en elle : « L’horloge tourne, ma chérie. Pas l’horloge biologique, qui peut pousser certaines d’entre nous à avoir des enfants. L’horloge tout court. Celle qui fait tic-tac et qui finit un jour par s’arrêter. Définitivement. Et tu sais quoi ? Je vais désormais profiter de chaque seconde pour faire ce que j’ai envie, quand j’en ai envie. »
Le moins que l’on puisse dire, c’était qu’Isabelle s’en était strictement tenue à ce mantra et l’appliquait au quotidien. C’était sans doute une façon pour elle de ne pas sombrer dans la déprime que sa situation à l’époque pouvait si facilement générer. Une situation que Carole n’avait pas connue. Celle-ci demeurait fidèle à elle-même. Plus posée et terre à terre que sa vieille amie, ce qui les rendait si complémentaires. À sa place, Isabelle aurait certainement déjà acheté sa bergerie et entamé sa rénovation. Alors qu’elle hésitait encore, même si la perspective de cette résidence secondaire l’attirait de plus en plus. Elle aurait parfois aimé être plus spontanée, comme Isabelle. Mais ce n’était pas son caractère, cela faisait bien longtemps qu’elle s’était rendue à cette évidence et avait fait la paix avec ça. Comme aimait à la répéter sa plus ancienne amie : « On ne change pas les rayures d’un zèbre ».
Isabelle attrapa la bouteille et entreprit de remplir à nouveau leurs verres. Carole le devina à son expression : elle mourait d’envie de tout lui raconter. Pour l’y encourager, elle l’invita à trinquer pour la énième fois de la soirée, but une gorgée de vin et ouvrit de grands yeux curieux avant de demander :
— Alors, dis-m’en plus.
Isabelle ne lésinait jamais sur les détails. Quand il s’agissait de raconter sa vie à Carole, elle mettait un point d’honneur à ne jamais, au grand jamais, faire l’impasse sur la moindre anecdote. Elle prit donc une profonde inspiration avant de répondre, animée comme rarement :
— J’ai lu un article dans je ne sais plus quel magazine chez le coiffeur, l’autre jour. Ben, tiens, c’était le jour où Roberto me disait qu’il voulait retourner vivre la dolce vita. Comme quoi, le destin… Bref, l’article tordait le cou aux idées reçues selon lesquelles quand on a plus de 50 ans, on n’a plus aucune chance de rencontrer quelqu’un. On le sait, toi et moi : c’est sûr que ce n’est pas aussi simple que quand on avait 20 ans, mais bon sang, on a le droit à un peu de légèreté nous aussi, tu ne crois pas ?
Carole approuva d’un vigoureux signe de tête et s’abstint de tout commentaire. Elle le savait, quand Isabelle racontait une histoire, mieux valait ne pas l’interrompre.
— Ils disaient que par exemple, l’application DisonsDemain permet de faire des rencontres simplement et avec des profils qui nous ressemblent. J’en parle avec Johanna – ma petite coiffeuse, une nouvelle ! Mignonne comme tout quoiqu’un peu gauche. Mais elle a quelque chose ! Bref, elle me raconte qu’elle a déjà entendu parler de cette appli : sa tante, Rosalie, célibataire depuis des années… Je te le donne en mille ?
Carole retint un sourire et feignit une curiosité profonde. Isabelle enchaîna immédiatement :
— Ciao le célibat pour tante Rosalie ! Après tout ce temps, est-ce que tu imagines ? Autant te dire que ça a fini de me convaincre. Le soir même, je créais mon compte et une chose en entraînant une autre, Karl est arrivé.
L’histoire était terminée. Isabelle porta son verre à ses lèvres mais se figea tout à coup, les yeux écarquillés.
— Que t’arrive-t-il ? C’est ton tour d’Europe des quinquas célibataires qui t’angoisse tout à coup ? plaisanta Carole.
Son amie ne releva pas. Elle fixait Carole comme si elle la voyait pour la toute première fois :
— Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ?
Un immense sourire malicieux illumina son visage. Carole plissa les yeux, méfiante :
— Je connais cette expression et elle ne me dit rien qui vaille.
— Donne-moi ton téléphone !
Isabelle n’attendit pas que Carole obtempère : elle se pencha en avant et plongea elle-même la main dans le sac à main de son amie pour en sortir son téléphone portable.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Tu as besoin d’un +1 pour le mariage de ton ex-mari, n’est-ce pas ? Eh bien, je l’ai, notre chapeau magique !
Tandis qu’elle parlait, Isabelle pianotait frénétiquement sur l’écran du portable. Carole, sourcils froncés, ne comprit pas où voulait en venir son amie, jusqu’au moment où…
— Tiens, choisis ton mot de passe, je ne regarde pas !
Isabelle tendit le téléphone à Carole qui l’attrapa sans comprendre :
— Mon mot de… attends, tu veux que je me crée un compte ?
— Un peu, mon neveu ! Je nous y vois déjà, toi, moi, et nos deux Apollon sur les plages de Deauville !
Carole sourit, amusée. Elle le savait pertinemment : son amie était déterminée et rien ne l’arrêterait. Mieux valait donc se prêter au jeu. Puis, après tout, ça ne mangeait pas de pain. À peine une minute plus tard, elle agitait son téléphone sous le nez de sa complice :
— C’est fait, capitaine !
— Et-voi-là ! Ma chère Carole, j’ai l’honneur de t’annoncer que tu es inscrite sur DisonsDemain. Tu vas recevoir toutes les informations par mail. Tu vois comme c’est simple ? Deux temps, trois mouvements. Maintenant que tu as un compte, remplissons ton profil.
Carole éclata d’un rire incrédule. Isabelle avait le don pour la surprendre, même après toutes ces années. Elle tenta de pondérer son enthousiasme, déployant des trésors de diplomatie pour ne pas la vexer :
— Ne t’en fais pas pour moi, on pourra voir ça plus tard.
— C’est ça oui, et plus tard on aura encore mieux à faire ! Le meilleur moment, c’est toujours maintenant. Imagine comme Élodie serait heureuse de te savoir sur un site de rencontres !
Oh, le coup bas ! Utiliser sa fille comme argument, c’était sournois. Carole leva les yeux au ciel. Au fond, elle le savait : Isabelle ne voulait que son bien. Combien de fois Élodie et elle lui avaient-elles expliqué qu’elle avait le droit de vouloir refaire sa vie ? Ce qu’elles ne saisissaient pas, c’est que la vie de Carole lui plaisait telle qu’elle était : libre et indépendante.
— Tu vas voir, c’est vraiment très rapide, insista Isabelle. Un profil, ça n’engage à rien.
Carole réfléchit. Isabelle avait raison : qu’est-ce que cela coûtait, après tout, de jeter un œil ? Elle approcha de son amie et toutes les deux entreprirent de répondre aux questions posées par l’application pour décrire au mieux Carole et ses envies. Et si cette dernière optait plutôt pour la réserve et le strict minimum, Isabelle était pour sa part intarissable :
— Tu ne veux pas parler de la bergerie ? C’est quand même le rêve de ta vie.
Carole balaya l’idée d’un mouvement vague de la main :
— Tu ne penses pas que le bricolage et les meubles vintage, ça suffit ?
— Si tu veux leur faire croire que tu passes tes dimanches chez Brico Dépôt, en effet, pas besoin d’en rajouter.
Isabelle lui adressa un clin d’œil plein de complicité et pianota rapidement sur l’écran pour ajouter : « Retaper une vieille bergerie pour vivre de tranquillité et de randonnées, c’est le projet qui me tient le plus à cœur » puis lui rendit son téléphone, visiblement très fière d’elle-même.
— Tiens-moi au courant.
— Oui, ne t’en fais pas, je te le dirai si Karl m’envoie un petit message.
Isabelle s’offusqua exagérément tandis que Carole glissait son portable dans son sac à main. Puis, comme toujours, les deux amies reprirent leur discussion. Elles parlèrent de la seconde grossesse d’Élodie, déjà bien avancée. Elles assommèrent Roberto de reproches. Elles reparlèrent de leurs divorces respectifs. Et, quand le taxi qui ramenait Isabelle chez elle bifurqua à l’angle de la rue, Carole lâcha un soupir amusé. Décidément, son amie était un sacré personnage. Elle repensa à Karl, à Élodie, à Patrick, son ex-mari, à son quotidien qui lui convenait bien, à sa bergerie, qu’elle gardait dans un coin de l’esprit. Puis, elle alla se coucher, avec une certitude : même si remplir son profil avec Isabelle avait été très amusant, elle n’utiliserait jamais DisonsDemain. Elle n’était pas faite pour ce genre d’applications.
Bien solo. Mieux à deux.
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